Urban News #9 - Les choix de couverture (1re partie)
Ou l'art de faire une bonne première impression
Bonjour à toutes et à tous,
Pour cette nouvelle newsletter, je souhaitais évoquer d’un élément central du métier d’éditeur (de BD, en particulier) : la couverture.
Pour la lectrice comme pour l’éditeur, la couverture est notre premier contact avec une œuvre. Entre art et communication, elle est, plus sûrement qu’aucun argumentaire commercial, la meilleure façon de vous, et de nous, vendre un album. Alors, vous êtes peut-être de celles et ceux qui découvrez un titre en attaquant direct sa 4eme de couverture, mais pour moi, ça passe d’abord par le visuel. On ne se refait pas ! On en discutait d’ailleurs avec Nicolas BEAUJOUAN de 404 Comics lors de notre première rencontre, il y a quelques mois. Lui comme moi, quand on entre en contact avec un titre que l’on envisage de publier, il nous faut presque instantanément imaginer la couverture idéale pour notre album VF, sous peine de ne pas pouvoir pleinement imaginer le titre intégrer nos catalogues.
Et c’est justement de cet exercice que je voulais vous parler aujourd’hui. Avec quelques 2 500 couvertures au compteur, je vais tenter un exercice périlleux de classification qui me permettra de revenir sur certains cas intéressants.
Attention : cet article n’a pas pour ambition d’apprendre à quiconque ce qu’est une bonne couverture et ce qui ne l’est pas, comment la choisir ou encore de définir l’idée même de “beau” (houlà, non…). L’objectuf ici, c’est plutôt de vous expliquer comment nous orientons nos choix de couvertures, de développer ce que nous jugeons efficaces (et parfois, selon nos goûts très personnels), éditorialement parlant… et certainement pas de vous dire que le vert, c’est plus beau que le rouge, ce qui n’aurait, vous en conviendrez, que peu d’intérêt (puisque tout le monde sait que le plus beau, c’est le bleu ). J’ai pour moi une connaissance uniquement empirique, basée sur ma sensibilité propre et mon parcours, tempérés par des impératifs commerciaux évidents. Il y aura donc un beau mélange de subjectivité et de mauvaise foi dans les paragraphes qui suivent. Aussi, s’il y a parmi vous des personnes avec un véritable bagage graphique, ne vous offusquez pas. On ne sera peut-être pas d’accord, mais ce n’est pas grave. Je vous invite par contre à me faire part de vos réflexions sur nos choix. Remarquez : que vous soyez calés ou non, la proposition est ouverte à tous et toutes dans les commentaires, pourvu qu’on reste constructifs :)
On débute cette newsletter en 2 parties avec un tour d’horizon des illustrateurs - ou cover artists - que vous avez pu croiser sur nos couvertures. On enchaînera par la suite avec les cas où nous avons choisi de recréer une couverture. On parlera sans doute un peu des logos également. Bref, on a du pain sur la planche !
LES ÉVIDENCES ABSOLUES
De celles qui mettent tout le monde d’accord…
Pour certains titres, le visuel de couverture est une évidence. Soit parce qu’il est le seul valable (ce qui équivaut à un non-choix et c’est toujours un peu dommage), soit parce qu’il fait l’unanimité dans l’équipe (ce qui est relativement rare). Aussi, honnêtement, comme pour toutes les histoires qui se passent bien, commenter ce type de couverture n’a rien de bien passionnant… Mais on est content qu’elles existent :)
Quelques exemples ci-dessous :
Sans avoir eu beaucoup d’occasions de travailler avec les couvertures d’Alex GARNER, on peut lui reconnaître un sens certain du “beau” dans la mesure où il correspond aux canons esthétiques modernes, doublé d’une bonne utilisation de la lumière dans ses compositions. Et le coup du regard planté dans celui de la lectrice ou du lecteur, ça marche à chaque fois. N’est-ce pas, Adam HUGHES ?
Dans un style plus “pompier”, David FINCH et son élève Jason FABOK partagent ce goût pour les musculatures très dessinées et les poses iconiques (avec eux, Batman ne chausse plus des bottes, mais des gargouilles !). Alors, oui, c’est statique mais ça en impose et ça colle particulièrement bien à la dimension monolithique des personnages de DC. Dans un style plus souple, Clay MANN est une autre pointure dans cette catégorie de dessinateurs commercialement “sûrs”.
En parlant de monolithique, on ne peut pas faire l’impasse sur le légendaire Alex ROSS (qui n’a pas que des fans dans l’équipe) qui est, à mon sens, le maître étalon lorsqu’il s’agit de dépeindre la noblesse que peuvent inspirer les héros de DC.
Côté classiques, je ne peux pas oublier Jim LEE qui a établi dans les années 1990 les codes graphiques qui allaient inspirer tous les jeunes artistes après lui. À noter que si LEE était une valeur incontournable jusqu’ici, on observe une moins grande appétence pour son style dernièrement.
On quitte les poses super-héroïques pour explorer les toiles du maître es fantasy qu’est devenu James JEAN. Premier contact des lectrices et lecteurs de la série FABLES de Bill WILLINGHAM & Mark BUCKINGHAM, le style du peintre a largement évolué depuis ses toutes premières couvertures. Sa série d’illustrations sur cette série Vertigo est sans doute son travail le plus mainstream. L’artiste et ses angelots torturés ont depuis migré vers les galeries d’art contemporain.
Et pour conclure avec ce petit tours des “jolies” couvertures, Artgerm LAU figure certainement parmi le plus populaire des illustrateurs actuels. Si on peut lui reprocher un certain systématisme dans le visage de ses héroïnes, son talent prend un peu plus de hauteur lorsqu’il expérimente autre chose que les plans “face caméra”.
Oh, et j’allais oublier Jenny FRISON ! On est également dans un style reconnaissable entre mille grâce notamment grâce à ses clins d’oeils appuyés aux grands illustrateurs, Arthur RACKHAM et Alphonse MUCHA en tête. C’est élégant et puissant et surtout ça imprime la rétine !
LES ÉVIDENCES RELATIVES
De celles qui ouvrent le débat…
Plus intéressantes à mon sens sont les illustrations de couvertures dont le style n’apparaît pas immédiatement comme “joli” mais qui vous marquent de manière plus viscérales. Contrairement à celles citées plus hauts, les couvertures qui suivent sont inévitablement plus clivantes.
Les couvertures de JOCK figurent bien souvent parmi les préférées de l’équipe. Et ce, bien avant que nous ayons eu l’occasion de partager de nombreuses pintes avec l’intéressé. JOCK a ce sens inné de la composition qui fait de lui l’un des illustrateurs les plus talentueux de l’industrie. Ses nombreuses affiches pour (feu) l’éditeur Mondo témoignent de cette facilité qu’il a à synthétiser en quelques masses l’esprit d’un titre et, au-delà, à y ajouter une interprétation impressionniste toute personnelle.
Alors, Massimo CARNEVALE, j’ai longtemps hésiter à le mettre dans la catégorie des “jolies” couvertures parce que c’est typiquement le genre d’artiste sur lequel tout le monde tombe d’accord. Il y a cependant une certaine sophistication dans ses compositions qui m’amène à le placer parmi les artistes qui éveillent nos sens “autrement. Son travail, notamment sur la série NORTHLANDERS de Brian WOOD, à mi-chemin entre le concept art de jeu vidéo, le travail d’affichiste et le clair-obscur traditionnel, est particulièrement efficace lorsqu’il s’agit d’évoquer un univers ou une époque. Bref, souvent, ça claque.
Dave JOHNSON est devenu synonyme de “cover artist” avec son travail sur le magistral thriller 100 BULLETS de Brian AZZARELLO et Eduardo RISSO. De la même manière que JOCK a pu compléter le duo Jason AARON & RM GUERA sur SCALPED, Dave JOHNSON est devenu la vitrine de 100 BULLETS.
Ah… John Paul LEON. Sans doute l’un de mes illustrateurs et dessinateurs préférés. L’économie, la justesse, l’équilibre, la minéralité, le sens du détail. Un style reconnaissable entre mille malgré la diversité de ses mises en scène. Les mots me manquent ici pour rendre hommage à l’un des plus grands artistes (mé)connus de l’industrie. Je vous renvoie à l’hommage que j’ai pu écrire peu de temps après sa disparition.
Je profite de l’alignement de JOCK, Massimo CARNEVALE, Dave JOHNSON et John Paul LEON pour saluer le talent Will DENNIS, éditeur emblématique de la seconde époque de Vertigo (2003-2015), pour avoir su compléter les tandems créatifs de 100 BULLETS, DMZ, SCALPED et NORTHLANDERS d’un illustrateur parfaitement adapté à chacun de ces univers.
Mitch GERADS fait partie de ces dessinateurs qui, avec JOCK, savent équilibrer un trait relativement économe avec une colorisation numérique pour des couvertures souvent parmi les plus marquantes de ces dernières années.
Artiste complète, Fiona STAPLES a explosé il y a une dizaine d’années avec SAGA, co-créé avec Brian K. VAUGHAN. Design des créatures, planches intérieures, colorisation de l’ensemble, lettrage manuel et illustration des couvertures, elle maîtrise chaque aspect de la série. Le style de ses illustrations de couvertures, très travaillées, sont parmi les plus iconiques du comics indé. Dans le cas de SAGA, le problème au moment de choisir une couverture, c’est justement l’embarras du choix !
Et voici pour un rapide tour d’horizon des cas où tout se passe bien, lorsque l’illustrateur fait 90% du travail. On abordera dans la seconde partie les cas beaucoup plus intéressants où l’éditeur de bd américaine doit quitter le siège passager pour passer derrière le volant et effectuer des choix plus radicaux !
À très bientôt !
Ah tiens, une newsletter de Mr Hercouet, ça faisait longtemps ! Et sur un sujet toujours intéressant en plus !
Merci pour ces petites renseignements sympathiques, et je ne sais pas si vous chomptiez en parler dans la seconde partie mais j'aimerais souligner la qualité des covers de The Department Of Truth de Martin Simmonds parce que bordel, ça claque et ça représente au mieux la série. Des covers vraiment parfaites pour une série vraiment parfaite
bonjour,
dans le guide batman 2022, il était prévu le tome 3 de batman black and white. ce n'est plus le cas dans le guide 2023 !
sortira-t-il ?
merci